L’Art de Parler Magic

A priori, vous avez déjà parlé, lu, écouté ou écrit des commentaires sur Magic dans votre vie. Si vous avez ce petit picotement au coin de la lèvre quand on vous parle d’une ligue MTGO ou d’un Grand Prix, vous avez peut être envie de devenir meilleur. Si vous en avez marre de toujours mourir le premier lors de vos soirées Commander, vous avez peut être envie d’évoluer. Bref, si vous êtes tombés dans le trou noir qu’est Magic: the Gathering, vous avez sans doute envie de progresser.

La meilleure façon de progresser, tout le monde la connaît, c’est de travailler à plusieurs. Apes together strong. Ce n’est pas un hasard si des équipes professionnelles se forment, ou si les potes s’entrainent en groupe. Il y a des études, appliquées à plusieurs domaines non-Magic, qui mesurent à quel point le travail de groupe est bénéfique pour tout le monde, et Magic n’est pas une exception (un des nombreux articles que vous pourrez facilement trouver sur Google Scholar si ça vous intéresse).

Seulement, il y a l’art et la manière. Que vous participiez activement à une équipe organisée ou que vous lurkiez sur un serveur Discord, si votre capacité à gérer les flux d’informations n’est pas efficace, vos efforts seront gâchés, et ça n’arrange vraiment personne.

Donc on va voir comment améliorer ces échanges et discussions qui font le gloire de Magic autant que le jeu-même, afin qu’elles soient plus productives pour vous et pour vos proches. On commence par comment absorber la critique et les commentaires, comme ça ça nous donnera une idée de ce que vous recherchez et ça fera la transition avec comment émettre vos propres commentaires.

Notez qu’on va partir du principe que vous avez quand même envie de progresser. Si vous voulez juste déconner avec vos potes, grand bien vous en fasse, mais je ne pense pas que vous aurez besoin d’aide à ce niveau.

Enfin, notez que la plupart de ces conseils, certes appliqués à Magic, sont réutilisables dans beaucoup d’autres aspects de la vie. D’ailleurs, la plupart proviennent originellement d’autres secteurs activités, mais se transposent bien à Magic. Le plus facile quand on essaie de construire des habitudes, c’est d’avoir les mêmes habitudes sur autant de domaines que possible, donc n’hésitez pas à y penser un peu autour de Magic aussi.

Partie 1 – Lire la critique

Ca va sans dire, mais c’est toujours mieux en le disant : ne croyez pas tout ce que vous lisez sur internet. Et si vous n’êtes pas sur internet (… je ne vous crois pas), vos potes disent n’importe quoi aussi. Pas toujours évidemment, mais l’erreur est humaine même dans les cas où l’intention est bonne. Il faut faire le tri dans ce que vous recevez.

La première chose à faire, comme souvent, se trouve avant d’aller chercher des retours extérieurs. Commençons toujours par un peu de préparation. Si vous voulez avancer dans votre voie de Magic, il faut que vous ayez votre propre idée de ce que vous voulez faire. Est-ce que vous voulez gagner le prochain Pro Tour ou est-ce que vous voulez optimiser votre deck ? Est-ce que vous avez un problème spécifique à résoudre, comme un mauvais match-up ou une anti-synergie, ou est ce que vous êtes satisfaits de votre situation actuelle et vous voulez juste garder un doigt sur le pouls de l’actualité ?

Il n’y a pas de mauvaise réponse à ce stade, et vous pouvez avoir plus d’un objectif en tête à la fois. Mais c’est important que vous en ayez quelques uns bien définis. Magic est un jeu qui, comme tous les autres de nos jours si on est réaliste, se base sur sa capacité à hyper la communauté puis à la laisser amplifier elle-même le phénomène. Oublier ses objectifs, c’est le meilleure moyen de se faire happer dans une spirale absolument pas constructive du tout. Et oui, vous avez toujours le droit de vous hyper et d’apprécier le jeu, évidemment. Mais si vous voulez progresser, comme on suppose que c’est le cas, se laisser distraire et embarquer aussi loin et aussi souvent peut être un énorme frein à votre développement. Je pense qu’on a tous fini de regarder Youtube parce qu’on était parti chercher un tuto bricolage, tout ça pour finalement perdre des heures à glander et regretter la journée perdue. Avoir un ou plusieurs objectifs clairs, c’est savoir ce qu’on cherche. C’est une ancre à laquelle on peut ramener la discussion si elle part trop loin. Les idées sont gratuites, et Magic en a une infinité virtuelle, faites attention à ne pas (trop) vous laisser distraire.

Mais très bien, vous savez maintenant ce que vous voulez et vous vous aventurez sur internet ou parmi votre groupe de jeu. Vous subissez un bombardement constant d’idées, et vous ne pouvez pas tout bloquer (sinon ça ne servirait à rien) et vous ne pouvez pas tout accepter non plus (trop de choses à tester pour votre temps limité). Comme toujours, il faut trouver un juste milieu, mais comment s’y prendre ?

Vous avez deux approches possibles : la passive, et l’active. La passive, c’est quand vous vous baladez et que vous cherchez juste quelques idées, voir ce qui se dit. L’active, c’est si vous avez une question précise et que vous êtes en recherche de feedback sous la forme d’un débat. Notez que vos objectifs sont importants dans les deux approches, et surtout qu’il n’y en a pas une qui est meilleure que l’autre. On fait ce qu’on peut à chaque moment de la journée, ce sont des approches de circonstances.

Commençons par l’approche passive. Ici, le but du jeu va être de réduire le bruit, car il y en a beaucoup plus que de gemmes à trouver. Ca demande un peu de pratique, car il y a autant de discours que de personnes sur internet (et même plus encore, assez bizarrement), et il n’y a pas de méthode 100% efficace et facilement implémentable. Mais on peut déjà identifier un certain nombre de messages qu’on peut se permettre de ne pas recevoir :

  • Les erreurs évidentes. Magic est un jeu où on peut facilement se prendre les pieds dans le tapis de temps en temps, faire des erreurs ne devrait pas être un critère de rejection sociale pour ceux qui en font, mais il faut faire du tri donc pas de pitié pour l’erreur-même. A titre d’exemple, sur le Discord de Creativity, un utilisateur a proposé de jouer Chromatic Star pour contrer Blood Moon tout en étant une cible pour Creativity. Deux minutes plus tard il se souvenait de comment Creativity marchait et tout était résolu. L’exemple est un peu extrême, mais les brain farts arrivent à tout le monde, ce n’est pas une raison pour se ridiculiser les uns les autres mais c’est aussi une L’important étant de ne pas perdre de temps.
  • Les avis troll / non-sérieux. Vous voulez progresser, mais tout le monde n’a pas forcément la même idée, et s’ils ne veulent pas travailler dans le même sens que vous, ce n’est peut être pas la peine de perdre du temps à forcer des interactions qui déplairont à tout le monde (sans compter que c’est quelque peu moralement présomptueux de vouloir imposer votre philosophie et humeur aux autres). Malheureusement, autant certains sont évidents à détecter grâce aux memes flashy qui les signalent à un kilomètre à la ronde, autant la majorité ne le sont pas, parce qu’ils sont émis par des gens qui ne savent pas ce qu’ils veulent. Beaucoup trop de gens pensent vouloir s’améliorer, mais en réalité veulent juste s’amuser. Et il n’y a rien de mal à cela, c’est le produit de la machine de hype des Pro Tours et des Opens Arena que Wizards prend grand soin à entretenir autant que faire se peut. Et le but n’est pas de les exclure de toute conversation évidemment. Mais dans le cadre de notre chemin de croissance, on peut les laisser entre eux, et tout le monde s’en portera mieux. Quelques signes qui peuvent laisser penser que vos interlocuteurs sont dans cette catégorie sont : revenir répétitivement sur une pet card, groupie répétitivement les mêmes personnalités Magic, l’utilisation d’arguments comme « je préfère jouer comme ça » ou « tant mieux si on ne trouve pas de réponse optimale parce que la diversité c’est bien », et bien d’autres encore.
  • Les avis qui n’apportent rien. Exemple vécu très récemment, mais au cœur d’un débat de 1700 mots sur la valeur de Chalice dans le side de Scam en Modern, un utilisateur a décidé de débarquer et dire « eh les mecs, moi je suis juste le side de XXX, et il rentre des Chalices, donc moi aussi 🙂 » suivi d’un humble « +1 » à une autre remarque. Encore une fois, ce n’est pas un troll, et l’intention est vraisemblablement bonne. Seulement un vote ce n’est pas un raisonnement. Quand deux personnes s’échangent des arguments et que vous essayez de vous faire votre avis sur la question, les votes n’ont pas d’importance. Je pense qu’il n’y a pas besoin d’aller chercher trop loin pour trouver des cas où la majorité a tort, surtout dans le cadre d’un jeu aussi hype-driven où le moindre 5-0 peut donner un regain de popularité à des idées complètement bancales, même si c’est éphémère. Identifiez bien les avis qui apportent des choses aux conversations, ceux qui disent juste « +1 » ou qui ne font que répéter des points déjà évoqués n’en font pas partie.
  • Les avis de personnes indignes de confiance. L’établissement de la confiance au sein d’un groupe est un sujet académique passionnant, mais qui sort un peu du cadre de cet article. Pour faire simple, je vous recommande d’autoriser deux ou trois erreurs « graves » consécutives à chacun avant de les classer dans la catégorie « indigne de confiance ». Nick Case a proposé un petit jeu de simulation qui illustrera bien mieux que mille mots ce que je viens de vous proposer. La subtilité reviendra à définir ce qu’est une erreur « grave » pour vous, mais en cela chacun est maître de son château. Notez, pour ce qui sont dans la zététique, que ceci est une application un peu tordue de l’argument d’autorité, et au même titre que suivre une personnalité excessivement est contre-productif comme on l’a vu plus haut, repousser excessivement les gens l’est tout autant pour les mêmes raisons. Restez ouverts.
    (Rien à voir mais Nick Case a fait d’autres mini-jeux sur d’autres sujets très variés et je vous recommande de regarder ses travaux juste par plaisir).

Vous l’aurez compris, le but, quand on veut progresser, est de ne pas scroller les réseaux sociaux avec la main dans le pantalon, mais de parcourir les avis avec un esprit critique fonctionnel. C’est assez épatant à quel point juste réfléchir très fort ça fait souvent le travail, mais personne ne pense à faire ça.

Maintenant, parlons de l’approche active. Commençons déjà par dire ce qui est évident : les principes de l’approche passive sur quels avis prendre en compte restent globalement vrais. Tous les retours qu’on vous a donnés ne seront pas bons, et il faudra trier un peu avec du bon sens. Cependant, les enjeux ne sont pas les mêmes. Maintenant, vous demandez un débat, donc vous ne pouvez pas juste ignorer ce qui n’attire pas votre regard. Cette implication va aussi conditionner votre réponse émotionnelle dans le process, ce qui est, par nature, assez délicat à gérer.

Il existe une méthode plus ou moins quantifiée dans d’autres domaines artistiques, où les artistes sont également en recherche de feedback, pour maximiser la valeur de ce que vous pourrez tirer des retours extérieurs que vous recevrez :

  1. Shut Up : Laissez parler ceux qui vous donnent des retours. Ca veut dire attendre qu’ils aient fini de taper leurs messages par internet, et évidemment ne pas leur couper la parole à l’oral. Interrompre les autres peut leur faire perdre leur fil de leur pensée et vous allez rater des détails importants.
  2. Listen : Mettez vos émotions de côté et écoutez bien ce qui est dit. Ce n’est pas parce qu’on parle de sortir votre pet card ou une carte qui est là depuis longtemps du deck qu’on vous veut du mal ou qu’on ne comprend rien à ce qu’il se passe. Si plusieurs personnes pointent une faiblesse du doigt, ça vaut peut être le coup de se poser des questions sur la faiblesse en question, plutôt que de penser que vous êtes seuls au monde.
  3. Take Notes : Noter des remarques permet de ne pas interrompre les gens et de ne pas oublier les petites idées pour les ressortir en temps et en heure, même plus tard dans la conversation quand le sujet des détails reviendra sur la table. Ca permet de se concentrer sur les choses importantes en premier sans avoir peur d’oublier les petites choses plus tard. Sur les messages en ligne c’est assez facile à faire puisqu’il suffit de ne pas perdre la conversation et la retrouver plus tard, mais à l’oral c’est une pratique qui n’est pas assez répandue.
  4. Ask for Clarification : Vous n’êtes pas là pour gagner un débat contre des détracteurs, vous êtes là pour observer. S’il y a un point qui n’est pas clair, c’est légitime d’interrompre pour que tout soit expliqué. Mais attention, « pas clair » ne signifie pas « ils ont oublié un argument », « pas clair » c’est « je ne comprends pas ce qui est dit ». Taisez vous autant que possible quand les autres vous répondent.
  5. Analysez les retours et faites vos améliorations : Une fois que vous avez noté les retours des autres, vous pourrez revenir dessus plus tard et réfléchir à froid. Avec ces nouvelles ressources à disposition, vous pouvez trouver le bon équilibre entre expérimenter des nouveautés et garder ce qui marche bien.

Cette approche peut paraître un peu unilatérale. Avec cette façon de faire, vous n’avez pas forcément l’occasion de participer activement à un débat, vous répondez peu et écoutez beaucoup. C’est normal, dans cette sections vous êtes en recherche de retours sur vos questions. Si un débat s’engage, c’est bien, mais que vous participiez ou non c’est important de ne pas oublier la raison pour laquelle vous êtes là, votre objectif de départ.

Cependant, vous avez raison. Un dialogue exige, par définition, une participation bilatérale. Et ça nous fait une transition toute trouvée pour passer à la suite.

Partie 2 – Parler comme Zarathoustra

Il est temps de passer à la partie préférée de tout le monde : parler.

Si vous avez tout lu jusqu’ici (si non, retournez lire l’article bande de feignasses), vous avez une idée de ce qu’on cherche quand on écoute, et donc vous avez déjà une bonne idée de comment moduler votre discours pour faciliter la tâche à votre interlocuteur. Pour rappel de ce qu’on a vu précédemment, si vous répondez à quelqu’un en ligne :

  • Réfléchissez avant de parler. Oui on continue dans la série des conseils plus fades qu’une tomate de chez Lidl mais tant que les gens ne le feront pas je le répèterai. Le but n’est pas de répondre vite pour que votre réponse soit lue, le but est de partager des idées et informations impactantes. Donc prenez le temps de réfléchir avant d’énoncer une ânerie évitable.
  • Essayez de limiter les dérives. C’est l’hôpital qui se fout de la charité parce que je suis (cliniquement) incapable de ne pas troller à intervalles réguliers. Il n’y a rien de mal à maintenir une bonne ambiance dans la conversation, mais essayez de suivre le ton de la conversation et l’humeur de votre interlocuteur avant de tout dérailler pour que la conversation devienne un échange de memes, laissant les questions sans réponses.
  • Assurez-vous que votre avis apporte quelque chose de constructif. Comme on l’a vu, « je suis d’accord avec X » n’apporte pas grand chose. Par contre, « je suis d’accord avec X parce que Y » a de la valeur, sauf si on avait déjà discuté de Y il y a 2mn. « Je suis d’accord avec X parce que j’accorde plus d’importance à l’argument Y que les autres » est une intervention intéressante si on prend le temps d’expliquer pourquoi on trouve que Y a été sous-utilisé jusque là, etc. Ce point englobe aussi les idées générales évoquées plus tôt, évitez les hyperboles gratuites, tout ça tout ça. De manière assez intéressante, prendre le temps de structurer ses interventions pour qu’elles soient plus intéressantes permet aussi de se remettre en question sur nos propres avis, cf le premier point de ce paragraphe.
  • Corolaire un peu polémique, mais je suis de l’avis que vous devriez autant que possible éviter de ressasser des informations que tout le monde connaît déjà. Ca représente une perte de temps qui peut être frustrante pour tous les partis concernés. Supposez par défaut que vos interlocuteurs sont intelligents et / ou cultivés et que vous n’avez pas besoin de dire ce qui est évident. Le but étant d’avoir une discussion efficace, essayons de gagner du temps sur les formalités. C’est juste une question de disjonction de cas : si vous êtes tous sur la même page, aucune raison de ralentir le progrès. Si vous n’avez pas autant réfléchi que vos interlocuteurs sur les questions en jeu (ça arrive, tout le monde n’a pas réfléchi autant sur les mêmes sujets), autant ne pas repartir de zéro pour rattraper votre retard. Et si jamais vous avez surestimé la réflexion de vos interlocuteurs, vous pouvez toujours revenir en arrière et expliquer les bases de votre raisonnement à ce moment là. Expliquer les bases sans réfléchir vous met en défaut dans les trois cas.

Mais tout ça c’est du déjà vu, juste vu de l’autre côté de la barrière. Comme une « influensseuse professionnelle » sur Instagram, dont la réalité de comment elle a pris sa photo est sans doute vachement moins naturel qu’elle ne tente de le faire paraître, il vous faut faire des efforts supplémentaires qu’on ne verra pas dans le rendu final.

Et il faut aussi considérer le cas de la réalité moins que parfaite. Les points précédents, qui sont le miroir de ce qu’attendent les autres, c’est ce qui se passe si tout le monde est d’accord pour être constructif et efficace, et que tout le monde est sur la même page sur la communication à avoir. Evidemment, ce n’est pas souvent le cas. Le monde est une jungle cruelle où seuls les plus forts survivent, et surtout où vous êtes entourés de singes qui n’ont aucune idée de comment faire quoique ce soit. Donc il faut aussi prévoir où votre culture et structure passeront inaperçus par la masse de weebs qui n’ont jamais pensé à comment penser dans leur vie. Dans cet esprit, voici quelques règles générales à garder en tête quand on participe à un débat ou qu’on répond aux questions d’un autre :

  • Ne rendez pas les choses personnelles. Pas d’insultes, attaque personnelle, ou congratulations excessives. Ca devrait aller sans dire mais bon à ce stade pourquoi s’en priver.
  • Ne prenez pas les choses personnellement. On ne vous veut pas de mal. C’est évident, mais si on vous pose une question, c’est qu’on veut une réponse, pas vous attaquer. Les gens ont envie de réponses à leurs questions, et la triste vérité c’est qu’on s’en fout pas mal de votre personne dans ce contexte. Vous n’importez pas assez pour qu’on prenne le temps et la subtilité de vous infliger de la douleur. Et si malgré tout vous tombez sur un boloss qui vous insulte directement, ce n’est pas quelqu’un qui mérite votre temps, donc je vous réfère au dernier point de ce paragraphe.
  • Assurez-vous de bien comprendre de quoi on parle. Ceci est un point un peu piégeux, parce qu’il y a un niveau zéro et un niveau un.
    Autant j’aimerais que le niveau zéro « comprendre de quels concepts / cartes / decks / listes / plans de side /match-up on parle » soit évident, autant vous allez vous reprendre un coup de conseil insipide sur la tronche : ne vous jetez pas comme un mort de faim pour gueuler la première idée qui vous passe par la tête juste parce que « ça vous a fait penser à » ou « ah mdr j’ai pas lu la carte ». Si on vous parle d’un sujet, ne ramenez pas votre bagage pour pirater la discussion. Non seulement vous n’êtes pas seuls au monde, mais en plus si vous n’avez même pas fait l’effort d’initier la discussion, respectez un minimum ceux qui cherchent du retour au lieu de surfer sur leur vague pour satisfaire votre égo.
    Le niveau un c’est un peu plus subtil parce que parfois le besoin est mal exprimé par les personnes concernées. Parfois on vous parle d’une carte de side alors qu’on veut parler d’un match-up par exemple. Parfois, plus souvent encore, on vous demande votre avis alors qu’on cherche votre validation. C’est une habitude à prendre, mais lire entre les lignes d’une conversation mène à des résultats concrets plus rapides et surtout plus solides.
  • Vos interlocuteurs ont sans doute plus réfléchi à la question que vous. Un peu comme ce qu’on se disait dans le point sur « réciter les choses de base », il vaut mieux respecter la réflexion de vos interlocuteurs. Surtout si on vous demande votre avis sur un point précis, puisqu’il y a quand même une bonne chance que la personne qui soumette l’idée ait réfléchi à la question un tant soit peu. Une attitude humble, supposant que c’est à vous de vous mettre à niveau dans la discussion, sera beaucoup plus constructive pour tout le monde que le contraire.
  • Ne cherchez pas à convaincre ou à avoir raison. C’est très facile d’avoir raison à Magic. En général, la tactique rhétorique de « moving the goalposts » (ie changer les objectifs de la discussion à mesure qu’on se montrer qu’on a tort) est très facile à mettre en place et largement suffisante, donc voilà, bravo à vous, vous avez raison, et vous n’avez rien fait avancer. Vous ne détenez pas la vérité ultime (sérieusement si vous la détenez qu’est ce que vous foutez à jouer à Magic on a besoin de vous ailleurs), donc n’imposez pas votre avis sans considération pour la possibilité d’avoir tort. L’idée est d’exprimer ses arguments et opinions de manière structurée et claire. Une fois que vous avez fait ça, parfait, le gros du travail est terminé et il ne vous reste plus qu’à répondre aux demandes de clarifications. Et si ça ne prend pas, c’est pas grave. D’une part si ça se trouve vous avez tort, et d’autre part même si on ne décide pas de partir avec votre solution au problème posé tout de suite, votre apport n’est pas sans valeur, si ça aide à construire une décision robuste qui ne passe pas à côté de points importants. Si vous avez besoin de gratification instantanée, je vous conseille d’aller sur Instagram et Tiktok plutôt que Magic.
  • Structurez votre discours. Il y a plein de façons de structurer sa pensée et son discours, à chacun la sienne, mais sachez que au final, ce ne seront pas vos critères qui décideront de la qualité de votre structure, ce seront ceux de votre interlocuteur. De manière générale, il existe quelques règles de base que vous pouvez essayer de mettre en place avant de commencer à parler:
    -Exprimez votre idée, puis justifiez là (culturellement en France on fait l’inverse en général, pour forcer les gens à nous lire/écouter jusqu’au bout, mais dans les faits ce n’est pas très efficace parce que si leur concentration saute au milieu ils vont juste nous interrompre, donc autant s’assurer que la thèse soit claire dès le départ.)
    -Commencez large, puis réduisez le scope petit à petit. Si vous voulez intégrer une carte dans un deck, parlez d’abord de l’apport au niveau du plan global du deck, puis passez aux match-ups et enfin aux situations de jeu.
    -Si vous êtes à l’écrit, faites des paragraphes et sautez des lignes. Beaucoup.
  • Si on vous interrompt, ne répondez pas à l’interruption. Continuez sur votre pensée initiale. Ca peut paraître un peu dédaigneux si c’est mal fait, mais d’un autre côté c’est pas super cool d’interrompre les gens non plus donc « karma ». L’important est de ne pas perdre votre fil de pensée et de ne pas oublier des détails importants ou une conclusion non-évidente. Vous aurez le temps de revenir sur l’intervention que vous venez de subir si vos interlocuteurs y tiennent. Une petite phrase comme « je vais juste finir ce que je disais parce que c’est intéressant » peut aider à faire passer la pilule. A l’écrit, c’est aussi une bonne idée de ne pas essayer de rattraper votre « retard » si on vous a interrompu de plusieurs messages, même après avoir terminé votre récital. Laissez-les là, certaines trouveront leurs réponses dans les messages que vous avez postés après l’interruption, et d’autres ne seront tout simplement pas importants.
  • Vous n’êtes pas obligés de participer. Parler c’est cool, mais honnêtement si c’est pour s’embrouiller avec des inconnus sur internet, ou pire avec des amis, votre santé mentale est sans doute plus importante. Oui c’est une forme d’addiction que de répondre à tous les messages qui passent, et encore une fois venant de moi c’est l’hôpital qui se fout de la charité. Sortez des conversations non-constructives. Personne n’a besoin de vous, et vous n’avez pas besoin que tout le monde adopte vos idées. Personne ne va finir à la rue si vous n’exprimez pas votre avis. Il n’y a pas que vous pour sauver [archétype] de [tech]. Il n’y a pas de honte à accepter qu’on a échoué à convaincre son interlocuteur, qu’on s’est trompé, qu’on est d’accord et donc qu’il n’y a plus rien à ajouter, qu’on peut apprendre de ce que les autres disent ou qu’il faille un peu de temps et d’expérience pratique pour que l’un ou l’autre des participants change d’avis. A ce stade, au contraire, c’est même un signe de force et de discipline que peu de gens ont.

Conclusion

C’est déjà pas mal, et c’est à peu près tout. Vous l’aurez compris à force, pas besoin d’être étudiant en politique ou en rhétorique pour communiquer à Magic. Le plus important est de garder un esprit clair sur les objectifs des discussions : si c’est de déconner, trop bien, faites vous plaisir. Si c’est d’avoir raison, allez parler politique ou recrutez des bouteilles de shampooing avec qui discuter sous la douche. Si vous voulez faire avancer la discussion et/ou progresser à Magic, comportez-vous en conséquence. Structurez votre pensée, apprenez à repérer et à cibler les problèmes, à mettre votre égo de côté et à prendre fierté à avoir compris quelque chose de nouveau. Vous aurez déjà fait 90% du boulot. Les 10% restants, c’est juste de ne pas s’interrompre quand on parle et de revenir dessus plus tard à froid.

Comme un muscle qu’on voudrait entraîner, la discussion Magic peut être améliorée par la pratique. Et comme le muscle que vous entraînez, à chaque fois il va y avoir un peu de douleur et de déchirement à l’égo, on est tous humains et il n’y a pas de mal à ça. Mais c’est quand ces petites déchirures se réparent que le muscle devient plus fort, et que votre discours à Magic sera d’autant plus impactant. Pour vous, et aussi pour votre entourage.

La bise !

Choisir son Premier Deck Modern

Le Modern est un format historiquement très varié. Ça peut être un peu dur pour un nouveau-venu de choisir son premier deck, d’autant que l’investissement requis n’est pas minime. A quoi bon acheter un deck qui va se faire battre par les decks du moment ?

Fort heureusement, le Modern est un format qui récompense l’expérience et la maîtrise. Ça signifie que si vous avez l’occasion de pratiquer beaucoup avec votre deck fétiche, il y aura peu de configurations du métagame où vous ne pourrez rien espérer. A partir de là, la problématique est assez simple : trouvez un deck qui vous plaît, et jouez-le autant que possible. C’est une spirale positive, et c’est une partie de ce qui rend le Modern aussi agréable et populaire.

Seulement on n’a fait que déplacer le problème. Certes on n’a pas besoin de savoir qui gagne contre qui, mais si on ne sait pas comment chaque deck joue on n’est pas plus avancés. N’ayez crainte mes petits, car Moudou est là pour vous faire le tour d’horizon des decks du format, afin que vous puissiez choisir le style qui vous convient le mieux.

Lire la suite

Standard : le format des 4-drops

Le Standard s’est remis sur ses pieds après avoir pris un gros choc lors des bans. Il semble être en bonne santé en ce moment, et comme il n’y aura pas de Pro Tour pour polariser les joueurs vers un « meilleur » deck, ça pourrait durer au moins le temps d’avoir un Grand Prix en Standard (ce qui n’arrivera pas avant le 24 Février !) On peut pour autant faire quelques constats pour mieux se préparer à ses PPTQ.

Lire la suite

Le Limité Ixalan

Le Limité Ixalan, composé de Scellé et de Draft, est disponible en papier depuis presque une semaine, et si vous vous intéressez dès maintenant au format, il y a quelques éléments à ne pas rater ! Une seule chose est sûre pour l’instant, c’est un format pas comme le précédent, mais qui a l’air au moins aussi incroyable ! Lire la suite